« Sound of Freedom » : le thriller complotiste qui enflamme l’Amérique (2024)

C'est la grosse surprise de l'été au box-office américain: petit thriller sorti de nulle part et dont les frais de distribution ont étéfinancés via uncrowdfunding, Sound of Freedom défraie actuellement la chronique en battant les derniers volets des sagasIndiana Jones, Fast and Furious et Mission impossible: Dead Reckoning, partie 1. Sorti le 4juillet aux États-Unis dans 3411 salles, ce film duMexicain Alejandro Gomez Monteverde (Cabrini, Bella)cumule à ce jour la colossale somme de 150millions de dollars de recettes. Une performance certes loin derrière les174millions d'Oppenheimer et, surtout, des351millions de Barbie. Mais Sound of Freedom a coûté infiniment moins cher que ces mastodontes (seulement 14,5millions de dollars!) et il suscite outre-Atlantique une polémiquepropice à la curiosité, carburant de son succès.

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Distribué par Angel Studios, une petite société installée dans l'État de l'Utah, le film suit l'enquête de l'agent fédéral Tim Ballard (joué par Jim Caviezel), déterminé à sauverdeux enfants kidnappés par un réseau de pédophilesbasé en Colombie. Coécrit par son réalisateur, le scénario de Sound of Freedom s'inspire de la véritable histoire du bien réel TimBallard, ancien agent de la sécurité intérieure qui a décidé un jour de partir en guerre contre le trafic d'êtres humains, notamment le trafic sexuel d'enfants. En 2013, Tim Ballard afondé à cet effetl'ONG Operation Underground Railroad (O.U.R.), dont le but est de fournir une aide logistique à diverses agences impliquées dans la lutte contre ces crimes, voire de conduire elle-même des missions de sauvetage.

Jim Caviezel, star pro QAnon

Bénéficiant d'un accueil globalement favorable aux États-Unis (l'agrégateur Rotten Tomatoes fait état de 72% de critiques positives), Sound of Freedom est décrit par Varietycomme un suspense non-prosélite, qui ose aborder frontalement une thématique trop souvent ignorée par les studios hollywoodiens. Mais le film d'Alejandro Gomez Monteverde a déclenché aussi une vaste controverse sur son fond de sauce complotiste, pointé du doigt sur plusieurs chaînes (dont CNN) et sites Web, tandis que le britannique The Guardian voit en lui «un thriller adjacent» au mouvement QAnon.

À LIRE AUSSI QAnon: lemouvement complotiste pro-Trump qui monteSi le long-métrage d'Alejandro Gomez Monteverde ne mentionne jamais explicitement les théories de la mouvance d'extrême droite, sa star Jim Caviezel (qui interprétait Jésus dans le controversé La Passion du Christ de Mel Gibson en 2004) saute quant à elleà pieds joints dans lecomplotisme le plus décomplexé. Participant à des conférences QAnon, Caviezel a publiquement relayéen2021les pires fake news de ce courant, dont celle de l'existence d'un complot mondial fomenté par des élites abusant d'enfants pour extraire de leur sang une substance appelée adrénochrome. Ce cliché conspirationniste aux racines antisémitesremontant au Moyen Âge est, hélas, toujours populaire dans les franges les plus extrêmeset, en France, il fut propagé pas plus tard qu'en mars dernierpar l'un des invitésd'unénième numéropolémique de l'émissionTouche pas à mon poste.

On ne saurait évidemment questionner une seule seconde l'absolue nécessité de lutter contre les réseauxpédocriminels, mais la nature et l'entourage de la production de Sound of Freedom soulèvent de légitimes interrogations. Des enquêtes publiées sur les sites Vice News et Slate, entre2020 et2021, ont par exemple dénoncé la probité des méthodes d'O.U.R. L'organisation de Tim Ballard est notamment accusée d'embellir la réalité, d'agir sans professionnalisme, de mal connaître le fonctionnement des réseaux de trafic d'êtres humains etd'avoir filmé, en 2014, l'une de ses interventions pour diffuser les imagesdans le cadre d'un programme de télé-réalité, au détriment de la vie privée des victimes.

Politiquement lui-même très engagé, membre de l'Église mormone et père de onze enfants (dont deux adoptés), Tim Ballard ne cache pas ses sympathies pro-Trump et soutient la construction d'un mur entre les États-Unis et le Mexique afin, dit-il, d'endiguer la traite d'êtres humains entre les deux pays.Fustigeur de la gauche dite «woke», il est érigé en héros sauveur d'enfants par la droite américaine et ses détracteurs le soupçonnent même de soutenir le mouvementQAnon… qui défendaujourd'hui Sound of Freedom.

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Un film approuvé par Donald Trump et Mel Gibson

Lors de sa promotion, Jim Caviezel a de son côté présenté le thriller de Monteverde comme un véhiculede foi, un véritable porte-étendard religieux («Les enfants de Dieu ne sont pas à vendre», dit son personnage dans la bande-annonce) que les médias croyants n'ont d'ailleurs pas tardé à récupérer. On a vu ainsi l'acteur au côté de Tim Ballard dans un talk-show de la chaîne de télé chrétienne évangélique américaine TBN (Trinity Broadcast Network), évoquant Sound of Freedom comme son «meilleur film depuis La Passion du Christ» et à quel point Jésus a fait de lui «le meilleur des hommes».L'autre star à l'écran, Mira Sorvino (qui interprète l'épouse de Tim Ballard), s'est quant à elle contentée de mentionner son implication personnelle contre le trafic d'êtres humains, tant au sein d'Amnesty International qu'en tant qu'ambassadrice des Nations unies.

Logiquement, Sound of Freedom a reçu de célèbres soutiens marqués à droite, tels ceux de Donald Trump (qui a organisé une projectiondans son club de golf), ainsi quedeMel Gibson, qui s'estfendu d'une vidéo sur Instagram. Autre marqueur idéologique: tourné en2018entre la Californie et la Colombie, Sound of Freedomestcoproduit par un certainEduardo Verástegui, ex-acteur de soap-opera mexicain reconverti dans le cinéma et basé à Los Angeles. Virulent militant antiavortement (il a créé à cet effet l'associationManto de Guadalupe), il fait partie de l'entourage de Donald Trump. AvecAlejandro Gomez Monteverde, Verástegui a monté en2005la structure Metanoia Films, à l'origine de Sound of Freedom, pour lequelun accord de distribution avait été initialement conclu avec une filiale latino-américaine du studio Fox. À la suite durachat de ce dernier par Disney, le brûlot anti-pédophile s'estvu soudainement enterré, avant que ses droits ne soient finalement revendus par Verástegui à Angel Studios.

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Distribué en France par… Karl Zéro?

Créée en2014sous le nom de VidAngel, autodécrite sur son site comme une société «innovatrice reconnue dans la distribution de divertissem*nt communautaire», Angel Studios (son nom depuis 2021) a été fondée par quatre frères de confession mormone qui entendent proposer aux familles et aux enfants des programmes sans contenu explicite. À la fois distributeur et service de streaming, le mini-studio s'estfait remarquer en2017avec The Chosen, une série sur la vie de Jésus (diffusée en France sur… C8) qui a recueilli plus de 10millions de dollars en financement participatif, le plus gros montant jamais atteint en crowdfunding pour une série télévisée. Ce score vient d'être coiffé au poteau en mars2023 par David, long-métrage d'animation sur le mythe biblique du roi d'Israël, prévu pour2025par Angel Studios etqui a dépassé les 50millions de dollars de dons!

Pour Sound of Freedom, Angel Studiosa également mis en place sur son site une campagne de crowdfunding pour lui permettre d'avancerles frais de distribution, auxquels 7000 fidèles ont participé à hauteur de 5millions de dollars. Jurant que leur film n'est pas un outil de propagande pro-QAnon, les responsables d'Angel Studios ont savamment orchestré leur communication, présentant Sound of Freedom comme une œuvre que le «système» a tenté d'étouffer durant cinq ans parce qu'elle dénonceune réalité trop souvent occultée parles médias traditionnels. Décidément très investi, Jim Caviezel adresse en personneun message aux spectateursau générique de fin, les incitant à convaincre le plus de monde possible d'aller découvrir cette production en salle. Au-delà même de son contenu, c'est donc bien la galaxie gravitant autour du film, nettement située à l'extrême droite, qui le pare d'un fumet d'infréquentabilité.

Le 26juillet, Angel Studios a cependant confirmé la sortie prochaine du long-métragesur21marchés dans le monde, dont l'Australie, l'Afrique du Sud et un grand nombre de pays d'Amérique latine. En Europe, Sound of Freedom sortira le 1erseptembre au Royaume-Uni et le 11octobre en Espagne, annonce le Hollywood Reporter sur son site. Aucune date en vue dans l'Hexagonemême si, le 7juillet dernier à l'antenne de Sud Radio, Karl Zéro affirmait avoir «pris contact avec Angel Studios pour voir comment distribuer Sound of Freedom en France». Éditeur du magazine L'Envers des affaires, réalisateur en2021d'un documentaire sur la pédocriminalité, l'ex-animateur est à la tête d'une chaîne YouTube (Karl Zéro Absolu)consacrée au sujet, mais ses enquêtes à la rigueur contestéesontde surcroît régulièrementaccusées de sombrer dans la théorie obsessionnelle du complot. Décidément…

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